Peiresc,
le Prince des Curieux
Nicolas-Claude Fabri “de Peiresc”, né le 1er Décembre 1580 à Belgentier au nord de Toulon (dpt 83, Var) sera Sénateur à Aix-en-Provence. Il fut l’Ami intime de Pierre Gassendi et aussi de tant d’autres illustres penseurs et scientifiques du 17ème siècle.
Il fut le dernier Érudit Universel, après Pic de la Mirandol (lien Wikipédia). Il connaissait tout de tout. Il était l’épicentre du savoir de son époque. La plaque tournante de toutes les connaissances d’alors.
Nicolas Claude Fabri de Pereisc fut à la fois un scientifique multidisciplinaire et un homme de lettres, un conseiller au Parlement de Provence et un des plus grands collectionneurs français.
Issu d’une noble famille originaire de Pise, établie comme juristes à Aix-en-Provence depuis plusieurs générations, Pereisc est né à Belgentier (dpt 83 Var) où ses parents avaient fui l’épidémie de peste noire.
Il étudia la philosophie, l’astronomie, les mathématiques et les langues. Sa passion de l’archéologie le conduisit en Italie, il voyagea aussi en Angleterre et en Flandres. En 1604, il soutint son doctorat de droit à l’université de Montpellier et fut nommé Conseiller au Parlement de Provence.
Curieux de tout, il entretint une très importante correspondance avec les savants de son temps, dont Galilée, Pierre-Paul Rubens, Campanella ou Pierre Gassendi. Ainsi Peiresc aurait écrit plus de 10.000 lettres !
Surnommé le Prince de la République des Lettres, Pereisc est un intellectuel, dont le savoir se situe au croisement de la Renaissance et des Temps modernes.
Il se passionna pour l’astronomie, la numismatique, la géographie, la zoologie, la paléontologie, la botanique, l’archéologie, l’égyptologie, la philosophie…
Parallèlement, il fit de sa vaste demeure à Aix-en-Provence, et de sa maison de campagne située à Belgentier, un immense cabinet de curiosités.
Il collectionna des peintures, des sculptures, des médailles, des antiquités. Il se passionna également pour les animaux exotiques, comme l’Alzaron (ci-dessous)
Il tenta également d’acclimater des Caméléons sans succès, car lorsque l’hiver arrivait, ces Caméléons mourraient tous !
Il posséda une immense bibliothèque de plus de 5500 ouvrages. Peiresc possédait et recevait tellement d’ouvrage précieux, que son relieur/maroquinier Guillaume Corbéran, restait à demeure dans la maison de Belgentier, et également le Gascon (lien BnF) qui n’est connu que par ce surnom, mais qui œuvra pourtant pour de nombreux collectionneurs, parmi lesquels les frères Pierre et Jacques Dupuy, Peiresc et Jacques-Auguste de Thou..
(collection privée Philippe Y.)
(collection privée Philippe Y.)
Puis, étant un Numismate renommé et afin de parfaire ses connaissances sur l’histoire ancienne, il posséda quelques 18.000 pièces et/ou médailles antiques et forcément exceptionnelles.
Il fit réaliser des dessins de ses objets rares, réunis en deux volumes conservés aujourd’hui à la Bibliothèque Nationale de France. Un de ses albums appartint à Louis XIV.
A la mort de Peiresc, son frère Palamède hérita de ses collections, qui passèrent ensuite à son neveu. Ce dernier les dispersa tous pour en faire de l’argent facilement gagné.
Une des nièces de Peiresc hérita d’ouvrages et de notes de toutes sortes, eux aussi disparus cependant sans aucun bénéfice, presque tous furent engloutis dans la cheminée qu’il fallait pouvoir allumer aisément ! Déjà à cette époque, le respect des Anciens commençait à s’effriter.
Heureusement, un certain nombre de ses objets, principalement des livres et des écrits, sont conservés à la Bibliothèque Nationale, à la Bibliothèque Méjane d’Aix en Provence et à la bibliothèque Inguimbertine de Carpentras.
En 1636, Pereisc commanda à Claude Mellan une carte ou Atlas de la Lune, qui devait être réalisé d’après ses propres observations menées avec Pierre Gassendi.
Peiresc et Gassendi avaient ce projet depuis deux ou trois ans et plusieurs peintres de la région aixoise avaient été contactés.
En 1636, Pereisc apprit que Claude Mellan était de retour de Rome où il avait passé une douzaine d’années. Il l’invita à Aix. Les deux hommes s’étaient déjà connus à Rome, Pereisc appréciait la précision du dessin du peintre et mentionne Claude Mellan dans ses lettres à plusieurs reprises.
Malheureusement le projet ne put être mené à bien. Pereisc mourut en juin 1637. C.Mellan n’avait fait que trois dessins, conservés aujourd’hui à la Bibliothèque nationale. En avril 1637, le peintre fit une estampe du portrait de Pereisc dont le dessin à la pierre noire est préparatoire, ainsi qu’une estampe du portrait de Pierre Gassendi.
A cette occasion, Peiresc ordonna à Gassendi de se tenir tranquille afin que Claude Mellan puisse faire de lui un portrait. Mais Gassendi n’aimait pas ça, considérant que sa figure n’avait aucune importance. D’ailleurs il n’existe que trois ou quatre portraits de Pierre Gassendi réalisés de son vivant !
Nicolas-Claude Fabri de Peiresc ne se séparait jamais d’un auto-portrait de son ami Pierre-Paul Rubens que voici :
A la mort de Peiresc, des milliers d’hommages sont lisibles dans les textes de grands personnages qui continueront de faire vivre la mémoire de Peiresc. En voici quelques uns : |
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Galilée, décrit son ami et protecteur Peiresc comme « un maître de tout ». | |
Pour Rubens, ami de Peiresc, « de son visage émanait une grande noblesse, propre à son génie, avec un je-ne-sais-quoi de spirituel qu’il n’est pas facile de pouvoir rendre en peinture ». |
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« Notre maître Peiresc » se remémore Cyrano de Bergerac. | |
« Il a fait dans cette patrie de toutes les nations, un nom honorable. Il est doué pour acquérir l’espérance de la dignité céleste… » écrivait le pape Urbain VIII. | |
C’était le « Prince des curieux » pour son ami Pierre Gassendi. | |
« Il a toutes les vertus des anciens et les grâce de la jeunesse » avouait Cassiano dal Pozzo, que l’on surnommait le “Peiresc italien“. | |
« L’un des beaux génies françois, et des plus savants hommes du XVIIe siècle» lit-on dans l’encyclopédie universelle de Diderot et Jean Le Rond d’Alembert. | |
Je me « sens un nouveau Peiresc » écrivait le Marquis Giampietro Campana. | |
« Ça revigore de se rappeler, quand la besogne flanche, qu’il y a à côté de vous, dans la même ville, un bougre comme lui » soupirait Paul Cézanne, au pied de la statue de Peiresc d’Aix-en Provence. | |
Umberto Eco, admirateur de Peiresc, lui rendra hommage dans « L’Île du jour d’avant ». | |
Antoine Schnapper a qualifié les fonds Peiresc de « montagne d’or de l’histoire ». |
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David Bowie lui-même était admiratif de la maison de Rubens et des recherches sur l’Égypte effectuées par Peiresc etc. etc. |
Ci-dessous, les deux extraordinaires portraits de Nicolas-Claude Fabri de Peiresc
dessiné à la pierre noire par Claude Mellan à Aix-en-Provrence en 1636.
Le premier est conservé au musée de l’Ermitage à Saint-Petersbourg.
Cette esquisse servira pour la gravure finale de Peiresc, que Claude Mellan exécutera en 1636.
La maîtrise du portraitiste Claude Mellan est stupéfiante. Peiresc est devant nous.
( pierre noire, 14,5 x 11 cm)
Le portrait de Nicolas-Claude Fabri de Peiresc présenté ci-dessus et ci-dessous, a été adjugé à Drouot le Lundi 26 Mars 2018 par Maître Leclere, pour 117.000€ alors que l’estimation n’était que de 10.000€!
Cette enchère marque un record mondial pour une œuvre de l’artiste Claude Mellan.
– Lien vers la page de vente –
Cette esquisse servira pour la gravure finale de Peiresc, que Claude Mellan exécutera en 1636.
( pierre noire, 14,5 x 11 cm)
Ci-dessous la gravure de Nicolas-Claude Fabri de Peiresc par Claude Mellan.
J0URNAL DES SAVANTS
AVRIL-JUIN 1951, Par Georges Cahen-Salvador.
Un grand humaniste,
Nicolas Claude Fabri de Peiresc.
Singulière destinée que celle de Nicolas-Claude Fabri de Peiresc qui a joui de son vivant d’une grande célébrité, en Europe et jusqu’en Asie, qui pourtant, au lendemain de sa mort, est tombé tout à coup dans l’oubli et dont la mémoire n’est revenue en honneur qu’après deux cent cinquante ans, vers la fin du XIXème siècle et devant un public restreint. M. Georges Gahen- Salvador, président honoraire de section au Conseil d’État, nous en conte l’histoire dans un volume agréable, instructif et vivant, que n’accompagne aucun appareil d’érudition, mais qu’on devine vivifié par un commerce prolongé avec son sujet. D’abord nous est retracé le développement de la vie de Peiresc, puis, dans une seconde partie, sont dégagées sa figure et son œuvre. Grâce à cet ouvrage qu’on lit avec plaisir et profit, essayons de nous représenter ce que fut Fabri de Peiresc.
Peiresc, né le 1er décembre 1580, à Belgentier, dans le Var, perdit sa mère alors qu’il n’avait que deux ans. Son père, membre des Cours des Comptes et des Aides de Provence, se remaria seulement quatorze ans plus tard.
Nicolas-Claude fut élevé par un père veuf et un oncle célibataire, et cette absence de tendresse féminine, dans son enfance, a marqué son existence tout entière. Il est, dès son jeune âge, exceptionnellement sérieux et réfléchi. Il prête attention à tout ce qu’il voit et entend, il se plonge dans les livres, interroge, se montre d’une curiosité insatiable, avide de tout connaître.
En revanche, il est d’un tempérament délicat et chétif, il n’a aucun goût pour les exercices violents qu’il est incapable de supporter. C’est un intellectuel, maladif, mais tourmenté du besoin de savoir.
Il étudia au collège de Saint-Maximin, puis en Avignon. Après un court séjour à Aix où réside sa famille, il va chez les Jésuites de Tournon. Rappelé à Aix, il y commence son droit, et tout en compulsant les codes, il fréquente les antiquaires et il collectionne les médailles. Cette passion des médailles anciennes le suit en Avignon où il retourne pour approfondir les belles-lettres et le droit .
Avec son frère, de deux ans son cadet, il part pour Padoue, la plus réputée des universités d’outre-monts. En réalité, il veut visiter l’Italie et c’est ce à quoi il se consacre bientôt : Venise, Rome, Naples, de nouveau Rome et Venise sont les principales étapes du voyage où Nicolas-Claude Fabri, ils y entrainent le Gouverneur qui veille sur les pérégrinations des deux jeunes gens… Mais combien d’autres arrêts d’ailleurs !
Peiresc reçoit partout un accueil flatteur et est entouré de l’estime admirative que suscitent ses connaissances, la maturité de son esprit et le renom qu’il s’est déjà acquis. Il visite les bibliothèques, les cabinets les plus fameux, déchiffre les manuscrits, examine les vases et les objets antiques, et au cours de toutes ses observations prend notes sur notes.
Au bout d’un an environ, il est de retour à Padoue, où il se remet à ses études de droit interrompues, mais il ne renonce pas à ses autres préoccupations, toujours impatient de scruter le passé et de pénétrer les secrets de la nature. Son esprit sans cesse en éveil s’intéresse atout, veut tout embrasser, tout comprendre : les langues, surtout le grec, les mathématiques, l’astronomie, les sciences naturelles, la numismatique, l’histoire des peuples anciens depuis les âges les plus reculés.
Enfin il s’engage sur le chemin du retour, mais sans aucune hâte. Il passe par Vérone, Mantoue, Milan et Turin, puis il gagne Genève, Lyon, enfin Montpellier pour y bénéficier des leçons de Pacci, le dernier grand jurisconsulte de la fin du XVIème siècle . Il séjourne dans cette dernière ville un an et rentre enfin à Aix où il soutient le 8 janvier son doctorat ès-sciences juridiques et où il doit recueillir la succession de son oncle au parlement.
Son père veut le marier, lui nouveau docteur, avec la fille du premier président de la Chambre des Comptes, mais pour Peiresc, les recherches scientifiques sont incompatibles avec les charges d’un ménage. Il refuse le parti qu’on lui propose, si brillant fût-il. Son père s’incline et lui fait don du domaine de Peiresc, en souhaitant qu’il en porte le nom, Nicolas-Claude Fabri de Peiresc, et désormais il signera très souvent Peiresc.
Cependant il lui faut présenter au parlement les lettres-patentes délivrées à son oncle afin qu’il lui cède son siège, mais il obtient une sorte de sursis avant d’entrer en fonctions, et pendant trois ans, de 1604 à 1607, il jouit de la liberté ainsi conquise pour, une fois de plus étendre son savoir, accroître ses relations, apprendre et collectionner.
né à Paris le 7 mars 1556 et mort à Tonneins le 3 août 1621.
A Aix, il noue des relations avec les personnalités marquantes de la ville : le Président Du Vair, le poète Malherbe, le conseiller Dupérier, le professeur Fabrol.
Du Vair, à qui le parlement laisse des loisirs, les partage entre les lettres et les arts, ce qui le rapproche de Peiresc et les unit d’une étroite sympathie, si bien que quand Du Vair est appelé à Paris, il offre à son ami de l’accompagner. Non seulement celui-ci en profite, selon son habitude, pour visiter Paris, ses monuments, bibliothèques et les collections, prendre des notes et des copies, il achète des objets, manuscrits et livres, mais il réussit à se faire joindre à l’ambassade qu’Henri IV envoie à la cour de Londres en 1606. Il reste un mois en Angleterre et de là passe en Hollande pour visiter ses correspondants et amis.
Revenu à Aix le 12 juin 1607, il prend possession de ses fonctions de conseiller, il s’y adonne en toute conscience et avec sa vaste culture ne tarde pas à devenir un magistrat d’une exceptionnelle qualité. Il doit maintenant, semble-t-il, renoncer à toute pérégrination lointaine, mais cette obligation de résidence ne calme nullement son ardeur pour l’étude et la recherche. Il mobilise des équipes de commissionnaires qui travaillent à son compte, notamment son frère. Lui-même, n’abandonnera rien de son labeur ni de ses observations, rien de sa correspondance volumineuse et universelle. Il reçoit chez lui ses familiers d’Aix et les savants de passage. Sa maison devient un caravansérail en même temps qu’un fabuleux musée.
En 1612, pendant les vacances du parlement, il va se rendre à Paris dans les milieux où l’on agite les problèmes qu’il aime et qui sont toute sa vie. Malheureusement sa santé est devenue de plus en plus mauvaise, à trente-cinq ans, il est déjà physiquement épuisé.
En 1616, le président Du Vair est mandé par la régente à Paris pour assumer la charge des Sceaux de France. Une nouvelle fois, Peiresc le suit, et lui sert de secrétaire.
Au bout de six mois, Du Vair se démet de sa charge, mais demeure à Paris et Peiresc avec lui. Lorsque Du Vair est rappelé à la chancellerie, Peiresc est toujours à ses côtés, partageant ses occupations, se félicitant de l’occasion qui lui permet d’étendre ses relations, de multiplier ses enquêtes, d’enrichir encore ses carnets de notes.
C’est alors qu’il se lie avec des personnalités comme le président De Thou (qui mourra en 1617) les frères Du Puy, Pierre et Jacques, les inspirateurs de l’Académie Putéane (lien), Pierre Gassendi, avec des lettrés et savants qui portaient sa ferveur pour l’érudition.
A la mort de Du Vair, survenue en 1620, ces relations le retiendront à Paris jusqu’au jour où deux événements graves le feront s’éloigner de la capitale, pour n’y plus revenir : la maladie de son père et les difficultés soulevées par l’administration de l’Abbaye de Guîtres, où il avait été nommé, sans doute sur les instances de Du Vair. Nous n’avons pas à entrer ici dans le détail de ces difficultés, qui furent suscitées au nouvel abbé tant par Bommard, l’homme d’affaires qui conseillait son prédécesseur et voulait conserver une place fructueuse, que par le cardinal de Sourdis, archevêque de Bordeaux, qui convoitait l’abbaye pour lui-même.
Au milieu de ces intrigues et de ces conflits, Peiresc se montre homme d’affaires minutieux et habile, mais sa vie est assombrie par ces soucis et ces déboires matériels.
En octobre 1623, Peiresc retourne à Aix et comme il a été autorisé par le roi, quoiqu’introduit dans la hiérarchie de l’Église par sa nomination à l’Abbaye de Guitres, à continuer d’exercer sa charge de conseiller laïque, il retrouve son existence laborieuse et paisible, méthodique et sagement ordonnée, partagée entre ses devoirs professionnels, ses curiosités de savant, ses recherches de collectionneur.
Il entretient une correspondance de plus en plus considérable avec les érudits les plus notables de France et d’Europe, avec aussi les messagers qu’il envoie partout en quête d’informations et de documents.
A Aix, il habite le vieil Hôtel de Callas, rue de la Trésorerie, aujourd’hui rasé et détruit pour être remplacé par le Palais de Justice. Il y mène la vie la plus simple, au milieu de sa merveilleuse bibliothèque, dont il fait relier les livres en maroquin rouge par un artisan installé à demeure chez lui; Parmi ses abondantes et somptueuses séries de vases, marbres, tableaux, monnaies, à portée de la masse énorme de notes qu’il a amassées, tandis que de superbes chats d’Ancyre (chats Angora) se faufilent entre tous ces trésors, qu’ils protègent des souris et des rats. C’est d’ailleurs Peiresc qui introduisit le premier ces chats en France !
par Israel Silvestre. (en 1660)
L’été, ou quand il a besoin de repos, il s’installe dans la maison de famille, à Belgentier, près de Solliès, dotée d’un beau jardin avec des parterres à la française, auquel il donne des soins jaloux.
Il pratique toujours l’hospitalité la plus large et la plus empressée, qui parfois lui procure des visiteurs illustres, tel en 1620, au moment même où il perdait son père, le cardinal-légat Francesco Barberi, neveu du Pape Urbain VIII, qu’il tint cependant à traiter splendidement, à qui il fit les honneurs de son cabinet de curiosités et à qui, dans un élan de générosité vraiment royale, il fit don d’un antique des plus précieux , un bas-relief d’ivoire représentant un empereur à cheval, Justinien ou Héraclius, célèbre sous le nom d’ivoire Barberini, qui devait être acquis trois siècles plus tard, en 1899, par le Musée du Louvre.
Des tristesses diverses viennent traverser cette existence tranquille, Malherbe meurt en 1628. ce qui cause à Peiresc un vif chagrin.
En 1629, la peste s’abat sur la Provence et l’oblige à se réfugier et fuir à Belgentier. Il y est rejoint par Pierre Gassendi qui a quitté Digne les Bains pour les même raisons.
Les luttes religieuses reprennent avec violence à Aix en Provence. Il est l’objet de menaces et, un certain jour, sa maison est envahie par une foule séditieuse, et partiellement saccagée.
A partir de 1631, année où il a été frappé d’une attaque de paralysie, sa santé, qui n’avait jamais été bien solide, décline de plus en plus : désormais et pendant six ans, ce n’est plus qu’une lutte, presque sans répit, contre la maladie et les infirmités. Il continue néanmoins ses occupations coutumières, toujours assoiffé de savoir ; dans son corps rongé par la décrépitude, son esprit reste aussi fin, vif et profond, d’une curiosité aussi inapaisée et aussi universelle, d’une activité aussi multiple que féconde.
La veille de son décès, Peiresc insiste auprès de Gassendi pour que celui-ci aille faire une observation astronomique et revienne lui en rendre compte.
Totalement dévasté par le décès de son grand Ami, Pierre Gassendi écrira plus tard, en 1641, « Viri illustris Nicolai Claudii Fabricii de Peiresc, senatoris aquisextiensis, Vita. » ou en français « vie de l’illustre Nicolas-Claude Fabri de Peiresc, conseiller au Parlement d’Aix« .
Cet ouvrage est essentiel pour rencontrer personnellement Peiresc, car écrit par Gassendi son Ami intime. Cet ouvrage a été traduit très tardivement du latin en français, en 1992 seulement ! En effet, le Latin que Gassendi utilisait, était quasiment « un latin personnel« , très complexe et infiniment riche. Finalement il fut traduit du latin par Roger Lassalle avec la collaboration d’Agnès Bresson. (édition BELIN)
Consultez ce PDF de Vita Peireskii en latin => https://archive.org/details/viriillustrisnic00gass/page/n5
Par moi-même !
Le 24 Juin 1637, il rendait le dernier soupir, à cinquante- six ans et demi. 😥
Après nous avoir ainsi tracé le tableau de la vie de Peiresc, M. Cahen-Salvador expose en une série de chapitres ce que furent l’homme et l’œuvre, nous présentant les divers aspects de cette personnalité qui n’eut qu’une passion, mais intense : la science, presque toute la science de son temps.
L’homme d’abord : Il n’est pas beau (!), avec un visage émacié, mâchoire proéminente, nez allongé, chevelure hirsute, barbe en broussaille, et son regard lointain est empreint de curiosité et d’inquiétude.
Au moral, il est doué de qualités plus solides que brillantes, il s’intéresse à tout et rien ne lui apparaît indifférent. Il juge avec pertinence et possède une mémoire prodigieuse. Il l’appuie au surplus, comme nous l’avons dit, de notes sans nombre qu’il rédige au jour le jour sur tous les sujets. Son existence est austère et simple, il en exclut la fantaisie, et la règle avec une sévère discipline. Il a horreur du bavardage et de la frivolité, il ignore les plaisirs et les distractions, il n’est ni un homme du monde ni un bel esprit, mais il est bon et affable, accueillant et d’une libéralité inépuisable.
Son amitié est aussi fidèle qu’éclectique, mais sa figure est au fond plus complexe qu’il ne paraît de prime abord :
«Le personnage est un composé de naïveté et d’astuce, de désintéressement et d’âpreté.
Le savant se double d’un homme d’affaires, le magistrat d’un procédurier, l’archéologue d’un collectionneur avide, le solitaire d’un châtelain hospitalier ».
Peiresc a beaucoup écrit, mais il n’a composé aucun ouvrage, ni traité, ni mémoire, ni même d’opuscule, sans doute par excès de conscience, parce qu’il estimait qu’il n’était jamais assez documenté.
Ce qu’il a laissé outre ses notes, ce sont des lettres, plus de dix mille lettres, dont certaines sont de vraies dissertations et qui forment de quinze à vingt volumes ; c’est cette correspondance, infiniment variée, qui a assuré à Peiresc le rayonnement exceptionnel dont son nom a joui de son vivant. A sa mort, elle a disparu, enfouie dans les cartons des bibliothèques Inguinbertine à Carpentras, Méjanes à Aix-en-Provence, Nationale à Paris, et n’a commencé à revoir le jour qu’à la fin du XVIIème siècle, grâce à Tamizey de Larroque qui en a publié sept volumes, sans pouvoir achever l’entreprise.
Ces lettres, dont l’éclipse a coïncidé avec l’éclipse qu’a subie la réputation de leur auteur,
nous le dévoilent tel qu’il était et c’est là qu’il faut aller le chercher avec l’universalité de son génie.
Elles sont en outre d’un excellent écrivain, qui possède un remarquable talent de plume
et dont les billets, émaillés d’anecdotes, avec leur tour pittoresque et personnel, constituent
«une des plus précieuses, des plus originales, les plus étonnantes œuvres » du XVIIème siècle.